DON BIGG, en blanc et noir le retours.

 
Byad Ou K7al, le deuxième opus de Bigg après le fracassant Mgharba Tal Mout, sorti en avril 2006, est depuis fin décembre dans les stores. 2010 commence bien.Du noir et du blanc .


Il a fallu attendre trois longues années, à écouter et réécouter le très bon Mgharba Tal Mout, avant d'avoir des nouvelles musicales de Bigg. Et elles sont bonnes : Byad ou K7al, deuxième album du rappeur, prouve que sa place dans le hip hop marocain est vraiment XXL.  
                                           Enjambant le patriotisme feint et pathétique clamé par les poids plume du domaine, son album est plus black and white que vert et rouge. Ses instrus sont classe, propres et proches de ce qui se fait aux US, son phrasé reconnaissable et sa plume encore plus crue. Ou comment passer de l'Khasser à Don Bigg. Son disque est moderne, travaillé et réfléchi. Peut-être moins impulsif que Mgharba Tal Mout, on n'y sent pas toujours les tripes du chanteur, peut-être à cause des effets, peut-être parce qu'on n'est pas habitué à un produit aussi pro. En tout cas, Don Bigg est juste, ne s'enlise pas dans le sable inerte de ces rappeurs qui défendent un Sahara qu'ils ne savent pas placer sur une carte ou de ceux qui descendent “l'Houkouma” sans pouvoir nommer un de nos politiciens. Yeah ! comme ils disent.


En 18 morceaux, Bigg critique, insulte, aime, pleure, règle ses comptes, passant du noir au blanc avec beaucoup d'adresse. Il s'attaque à la politique et au terrorisme dans 16.05, se dresse en prof ès hip hop dans l'un de ses interludes, remercie dans Itoub ses fans et détracteurs. C'est qu'il en a eu beaucoup, ces trois dernières années. Entre ses clashs animés avec Muslim, le rappeur du nord, ses frictions avec certains autres artistes ou encore son histoire d'amour et de haine avec les médias, le Taoufik enfoui sous la carapace d'un Bigg pris au jeu du yoyo sentimental et de la success-story se lâche. Quand on lui demande qui est Don Bigg aujourd'hui, il dit qu'il ne sait pas, que c'est “forcément un businessman inculte en techniques de marketing”. Un businessman qui rappe, à l'image de Jay-Z, Eminem, Dr.Dre et les autres. Pas commun au Maroc, “mais ça le sera dans un futur proche, inchaallah”, confie Bigg. Son morceau coup de cœur, le nôtre aussi, c'est Lik, en featuring avec Oum. Le rappeur ne s'épanche pas plus que ça. C'est que tout y est dit. Un hommage touchant à sa maman, décédée il n'y a pas si longtemps que ça. La plus belle déclaration d'amour de l'album, pleine de dignité et de douceur.

Casanegra a le flow
Le deuxième morceau de Byad Ou K7al s'appelle Casanegra. Oui oui, comme le film. D'ailleurs, c'est le film que chante Don Bigg, qui avait été contacté pour signer la bande-son du long-métrage de Noureddine Lakhmari. “La production n'a pas voulu suivre”, explique Taoufik. Elle s'en est peut-être mordu les doigts après avoir entendu le résultat. Le titre est indéniablement meilleur que celui retenu, n'en déplaise à son interprète. Une chronique ciné très bien écrite, un scénario en chanson, dans l'ambiance même du film et de sa ville monstre, ses rêves de Suède et ses menaces à la chignole. “J'ai mis Casanegra dans mon album parce que je le sens bien, ce son. J'ai aimé le film et je me suis investi dedans. Et puis, plusieurs de mes fans ont fait des montages du film avec ma chanson. Je pense que ça veut tout dire”. Effectivement.

Dessine-moi un rap
D'ailleurs, l'image intéresse de plus en plus notre rappeur, qui pense déjà à ses clips. Quatre storyboards sont prêts pour Lik, Kanbghik (où le rappeur déclare sa flamme et son désir à sa dulcinée), 16.05 et Bjouj, description tranchante et tranchée de Hiya et Houwa, couple marocain Nessab arroseur arrosé, Hiya étant matérialiste et Houwa un chouia obsédé. “Le tout est en stand-by”, explique Bigg. “Faut miser gros maintenant. Ça ne sert à rien de se dire ouais, je passe sur MTV Arabia quand t'as le clip de 50 cent qui passe après le tien et te ridiculise”. Un autre morceau lui tient à cœur, au rappeur : “c'est 2 Sba3 Lsma, qui parle des cancéreux. Ce sera un court-métrage. Je ne veux pas me presser, pour lui donner tout son sens”, explique-t-il. Bigg a déjà deux réalisateurs en tête, comme il a déjà son idée sur les featurings de son prochain album. Du beau monde, assure-t-il. Et pour faire parler Bigg, on peut rêver. Il ne crachera même pas des initiales. En gros, Bigg se professionnalise, a des ambitions et les pieds sur terre. Il vise haut et n'en démord pas, il veut toucher les étoiles. Lentement mais sûrement, cette fois.